Décembre 2016, je suis en plein déni quant à la nouvelle année qui approche. Les jours défilent à la vitesse d’un éclair et pourtant mon moral (tout comme celui de la plupart des Américains depuis l’élection de t.) est au plus bas. Je décide que 2017 n’aura pas lieu en prévenant tout le monde autour de moi, qu’en ce qui me concerne, je serai en 1971.
Mon objectif: nourrir les douze prochains mois de vieux films (en grande partie de la Nouvelle Vague) et de musique pas plus vieille que 1971.
Voilà, en ce 28 décembre 2016, je suis prête et comme un mantra, je le répète à qui veut bien l’entendre: la morosité de 2017 n’aura pas ma peau; je swinguerai au son des Beatles et me pâmerai devant Truffaut, Goddard, Rohmer, Vadim, Lelouch et les autres. Ah, et puis je lirai un livre par mois, c’est mon unique et seule résolution, en plus de continuer à prendre soin de ma joie de vivre.
Bien évidemment, la vie en a décidé autrement..
JANVIER
Je passe le réveillon de la Saint-Sylvestre aux urgences du MGH. Surmenage, grande fatigue physique et crises de migraine à répétition m’ont permis de me rendre compte que je ne prenais pas encore assez bien soin de ma personne. Les médecins urgentistes me font comprendre qu’il va falloir que je lève le pied car ce n’est pas la meilleure façon de commencer l’année.
Paradoxalement, comme je suis la reine de la procrastination et que je l’assume moyen, je m’inscris au workshop d’Eléonore Bridge. Une des premières choses que je lui confie lors du questionnaire d’introduction c’est que je suis toujours fatiguée malgré le fait que je passe la moitié de ma vie à dormir et le reste du temps je n’ai le temps de rien faire à cause de la tonne de travail que je me tape. (Je réaliserai que bien plus tard la portée et le poids de ces mots).
Je continue à bosser comme une malade et entre deux photoshoots créatifs, je décide de me rendre à la Women’s March du 21 Janvier. Je réalise que « bigre », prendre des photos de rue, les gens, les gestes, est quelque chose qui me manque cruellement. Je ressens à nouveau l’adrénaline qui survient lorsque j’aperçois un détail super beau qui me fait vibrer et que je me dois d’immortaliser; ainsi que l’émotion au moment de découvrir les clichés sur ma carte sd. Je suis tellement excitée que, finalement, toute cette foule ne me dérange pas plus que ça, moi l’ochlophobe.
FEVRIER
Nous décidons enfin de nous bouger les fesses quant à notre dossier pour la green card. La prochaine étape, c’est la visite médicale qui doit prouver que nous sommes sains d’esprit et de corps. Notre rendez-vous tombe lors de la première tempête de neige de l’année. Le cabinet est à 8 minutes à pieds, ça nous prends 20 minutes tellement le vent est brutal et les flocons énormes rendant la visibilité nulle. J’ai un début de crève que le vaccin obligatoire de la grippe va rapidement transformer en grippe pour les deux prochaines semaines.
Fin février, je me retrouve à nouveau aux urgences. Deux mots: ANGIO OEDEME. Suite à une nouvelle crise de migraine, ma gorge a commencé à gonfler sérieusement jusqu’à m’empêcher de respirer. C’est absolument effrayant: ma gorge et ma langue ont triplé de volume, je n’arrive plus à parler, docteurs et infirmières s’affairent autour de moi; aide-respiratoire et intra-veineuse pendant 3 heures, c’est la fête !
Ce n’est pas la première fois que cela m’arrive: la première crise date du 14 Novembre 2015, juste après les attentats. Une fois de plus, je suis sommée de me reposer et de faire les examens nécessaires pour déceler si c’est héréditaire ou allergique. La première piste est privilégiée puisqu’aucun nouveau médicament ne m’a été prescrit lors des deux dernières années.
Je rentre à la maison bourrée aux stéroïdes pour les cinq prochains jours. Rambo est mon nouveau surnom, je me retrouve notamment le samedi à 5h45 du matin à préparer un cassoulet pour la première fois de ma vie. (Et c’est une vraie réussite dont je serai fière pour le restant de mes jours !)
MARS
De passage chez mon médecin traitant (que je n’aime pas trop mais dont le cabinet a une vue fantastique sur les baies de North End et East Boston), on m’ordonne de faire un bilan sanguin et d’aller consulter quelqu’un au sujet de mon stress pour en trouver la cause. Au fond de moi, je sais très bien ce qui déclenche tout cela: mon business partner avec qui j’ai de plus en plus de mal à travailler sereinement.
Quelques jours plus tard, les résultats de ma prise de sang reviennent. Mon médecin veut me voir tout de suite, « c’est important: il faut prendre les choses en main tout de suite ! »
On met enfin le doigt sur la cause du plus gros de mes symptômes de ces dernières années alias la fatigue chronique: ma thyroïde n’en fout pas une et a entrainé avec elle d’autres complications.
C’est le choc.
Je commence plusieurs traitements en même temps, mon corps prends cher, j’ai la diarrhée pendant quasiment trois mois, c’est horrible. Bien que je prenne goût à visionner des gifs très drôles sur le sujet, l’expérience reste ignoble..
Je dois également aller voir une dizaine de spécialistes différents pour faire le point. Il me faut un suivi constant avec des prises de sang toutes les huit semaines. Parce qu’elle part en congés et que je dois absolument faire le point la semaine suivante, mon médecin me recommande un collègue.
En attendant, je pleure à chaudes larmes et décide de ne parler à personne de tout ce bordel qui vient de s’abattre sur moi, sur nous. Je me demande également si je vais bientôt mourir (merci google) et réalise que je n’ai toujours pas visité l’Alaska ni vu d’aurores boréales, que je n’ai toujours pas d’enfants, ni mon permis, etc. Bref, crise d’angoisse maximum.
AVRIL
C’est mon premier rendez-vous avec William. Il parle français, il adore la France. D’ailleurs, il part la semaine prochaine à Paris pendant cinq jours pour aller voir Carmen à l’Opéra Garnier et Vincent Delerm en concert ! Et donc, avec bienveillance et humour, il répond à toutes mes questions d’angoissée de la vie, et non, je ne vais pas mourir de sitôt, je peux toujours avoir des enfants, ce sera juste plus surveillé. Mais oui, la route va être longue le temps que mon organisme s’adapte aux traitements.
Je ressors du cabinet beaucoup plus sereine et décide que William sera désormais le copilote de ma santé, en plus de me conseiller des bouquins d’auteurs francophones que je ne connais pas !
Le 29 Avril, nous fêtons nos trois ans à Boston et réservons une visite avec Boston le nez en l’air. Plus de trois heures à vadrouiller dans le centre de Boston à revoir nos acquis. Ce fut une belle journée entre deux votes d’élection présidentielle tendue.
MAI
Après quatre mois intenses, la vie décide de m’octroyer un petit miracle: lors d’un passage à Harvard Square pour un rendez-vous ophtalmologique, je trouve des kinder surprise en vente dans une épicerie (alors qu’ils sont bannis des Etats-Unis depuis les années 30 !). Best day ever, j’en pleure de joie. La preuve que le réconfort vient parfois sous d’étranges formes.
Mon corps s’habitue très difficilement aux divers traitements, surtout celui pour la thyroïde dont la dose médicamenteuse a déjà augmenté du simple au double en très peu de temps. À mon grand désespoir, les insomnies sont revenues et mes cycles sont devenus ultra douloureux. Je fais tout mon possible pour ne pas me transformer en cette caricature de la femme hystérique, victime de changements d’humeurs qui rend fou son entourage et le monde entier; mais je dois avouer que ce n’est pas facile tous les jours.
La bonne nouvelle, c’est que notre dossier pour la green card avance et nous avons enfin rendez-vous pour les empreintes digitales !
Le mois de mai est aussi le mois de mon anniversaire, le moment de l’année où je fais toujours un bilan personnel. Cette année, je fête mes 34 ans et tant bien que mal, j’ai survécu à l’année des 33, contrairement à d’autres. (private joke de mauvais goût mais grande réjouissance personnelle).
Cette remise en question annuelle me permet de réaliser plein de petites choses telles que le fait que je veux visiter plus souvent les musées, je désire depuis des années m’abonner à Get Messy, je veux un petit potager, j’ai besoin de refaire de la photo et bloguer me manque terriblement. Et enfin, que ma façon de travailler n’est plus compatible avec celle de mon associé et qu’il va falloir que je prenne une décision si je ne veux pas (au choix) devenir folle ou mourir de stress.
Le 30 Mai, je me teins les cheveux en rose flamingo et so far, c’est la meilleure décision de mes 34 ans !
JUIN
Le 31 Mai, j’informe mon associé qu’à cause de mes problèmes de santé, je ne peux plus travailler. J’en conviens, c’était bien plus facile que de lui avouer l’autre versant de la réalité. Je m’étais imaginée toutes les réactions possibles venant de lui sauf celle qui me prendra la tête pour les six prochains mois: litige, avocat et gros sous.
J’en profite pour regarder 13 reasons why suivi du documentaire The Keepers. S’en suivra une rivière de larmes infinie: décidément je suis bien trop sensible pour ce type de programmes.
J’ai fini par m’abonner à Get Messy: ça me fait un bien fou de reprendre une activité créative rien que pour moi. De plus, on a réussi à avoir accès à un petit rectangle potager sur la terrasse de notre immeuble: à nous tomates, fraises, dahlias et autres aromatiques !
Entre temps, je refais un angio-oedeme et une cure de stéroïdes dans la foulée; celui-ci est moins grave que le précédant mais permettra à l’équipe médicale de mettre enfin le doigt sur son origine: je fais une allergie aux cachets que je prends pour la migraine..
JUILLET / AOÛT
Pour nous changer les idées, on se programme un petit week-end dans le Connecticut où se déroule un festival de montgolfières: epic fail total même si aujourd’hui on en rigole.
On se planifie également deux semaines en Alaska pour la mi-septembre: je suis excitée comme une puce à l’idée d’y aller enfin et de réaliser un rêve de longue date !!
Je découvre le tarot: ce sera le début d’une grande histoire d’amour. Je rêve aussi d’un ami d’enfance que je n’ai pas vu depuis une décennie: cette expérience fera remonter à la surface une ribambelle de jolis souvenirs oubliés dont j’écrirai un texte quelque temps plus tard: playground love.
Il m’arrivera également d’essuyer une crise bipolaire et ses effets indésirables pendant deux semaines en août: une montagne russe de hauts et de bas que je ne souhaite à personne.
Et puis le miracle que j’attendais depuis notre arrivée aux usa: trouver de magnifiques et délicieux abricots. Le bonheur tient vraiment à peu de choses.
SEPTEMBRE / OCTOBRE
Notre voyage en Alaska est reporté car des amis se marient au même moment; je suis un peu dégoûtée mais ne leur en tient pas rigueur. Finalement, nous ferons un road-trip de 6 jours dans le Maine et l’ancienne Acadie Française (nord de la côte-est américaine). Ce voyage nous en a mis plein les yeux et nous ne rêvons que d’une chose: y retourner.
Je décide de me remettre sérieusement à la photo et à l’écriture; ce blog sera un carnet de notes pour raconter tous ces chouettes souvenirs et garder une trace de toutes ces petites choses de la vie. La très talentueuse Camille Villard se chargera de refaire tout le thème dans les mois suivants.
Je profite de mon temps libre pour faire du vide à la maison. Entre tout ce que j’avais acheté pour ma petite entreprise + les derniers cartons de déménagement qui gisent encore ci et là, il était devenu nécessaire de faire le tri et lâcher prise. En parlant de lâcher prise, j’ose enfin raconter mon histoire lors du mouvement #metoo ce qui s’avèrera beaucoup plus libérateur que ce que j’aurais pu imaginer.
NOVEMBRE
Mois bien-aimé qui compile l’anniversaire de Cyprien et notre anniversaire de mariage. Nous sautons dans un avion direction la Floride pour assister au lancement Space X de Zuma au Cap Canaveral. Malheureusement, il sera reporté mais impossible de quitter Orlando sans faire un tour aux parcs Harry Potter à Universal. Bien que je ne sois pas trop en forme à cause de mes traitements qui ont été amplifiés, changer d’air est toujours délectable.
Entre-temps, j’ai réussi à finir de tricoter un plaid commencé il y a deux ans pour nos noces de laine. Le résultat dépasse de loin ce que j’avais prévu et j’espère que cette couverture restera parmi nous le plus longtemps possible.
DÉCEMBRE
Cette année, je choisis de préparer les fêtes de fin d’année avec douceur, bienveillance et organisation. Tout ne s’accorde pas toujours comme je l’avais imaginé mais ce n’est pas grave, l’essentiel est d’apprécier chaque jour comme il se doit, avec gratitude et patience.
Décembre, c’est aussi le mois qui cloture enfin l’année, celui où nous avons l’agréable surprise de découvrir que la green card nous a finalement été accordée après tant d’attente et de hâte. Mon business partner et moi arrivons enfin à un accord. Et je finis 2017 comme je l’ai commencé: bringuebalante. À moi la tendinite de Quervain à la main droite: encore un signe qu’il faut que j’apprenne à me ménager.
Le 31 décembre, j’apprends le décès de Julie Sarperi, du magnifique blog carnets de traverse. C’est son talent et son oeil qui m’ont poussé, entre entres, à reprendre la photo et le blog et qui m’ont énormément inspirée. Je sais, en tous cas pour moi, que cette triste nouvelle résonnera longtemps en moi.
2017 m’aura définitivement donné du fil à retordre et paradoxalement, m’a blindé. La fatigue intense que je ressentais depuis tant d’années était dûe à ma thyroïde qui est une grosse feignasse. Et bien qu’à l’heure actuelle, le problème n’est toujours pas entièrement réglé, je me sens beaucoup mieux qu’avant.
Au final, je n’aurai visionné que Et Dieu… créa la femme mais j’ai tout de même lu 18 livres. Certains m’ont chamboulé et d’autres ont changé ma vie pour toujours. Tout comme 2017 en somme.
crédits image: Yosh Ginsu
flou says
Oh ben dis donc, quelle année de merde! Ça fait un moment que je ne passais plus par ici (enfin l’ici d’avant vu que tu as tous changé, je me comprends!), et je pioche un peu par-ci par-là… Au moins tu as trouvé d’où venaient tes soucis de santé et ça t’as obligé à ralentir et à prendre des décisions question boulot… moi, personnellement je ne retiendrais qu’une chose… le cassoulet à 5h45 du matin!!! Bises
Admin says
Merci Fleur ♥︎ Le cassoulet était délicieux mais ce n’est clairement pas la meilleure idée quand tu as une prise de sang de prévu le lendemain 😉
Mathilde says
Hello Céline,
Je suis tombée sur ton blog par l’intermédiaire de celui des Parenthèses.
Je suis attristée de lire tout ce qui t’es arrivée l’an dernier… et encore maintenant.
C’est dur de parler, mais si tu veux qu’on aille se promener, prendre un café, on peut se faire ça, maintenant qu’il va enfin faire bon !
Des petits bibis,
Mathilde